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Les prêtres des montages. Le cas des Pyrénées Centrales, françaises et espagnoles - Fin XV ème début XVIII ème siècle.

Cette conférence s’est attachée à caractériser l’image du prêtre des Pyrénées Centrales de la fin du Moyen age au début du XVIII ème siècle.

A l’instar de certains autres espaces montagnards, cette région constitue une zone de fort recrutement sacerdotal pendant plusieurs siècle. Pourquoi certaines montagnes « produisent-elles » des prêtres ? Les réponses sont à rechercher dans les liens tissés entre la fonction sacerdotale et l’organisation des familles ainsi que des communautés d’habitants. Il s’agit, en fait, de définir les formes locales du fait religieux. La démarche d’investigation ne peut être que plurielle, et d’abord autant historique qu’anthropologique.

Nous avons évalué la forte proportion de clercs montagnards. Nous verrons comment, face à l’offensive d’une réforme grégorienne tardive (fin XIIIème et XIVème siècle), les communautés d’altitude parviennent à garder l’essentiel des biens et des revenus d’églises. Au temps des guerres de religion, les nombreux prêtres des Pyrénées centrales participent à la défense de communautés d’habitants contre la menace protestante. Les célèbres « ligues campanaires » du Comminges sont un avatar de cette prise en charge de la défense des communautés paysannes, autour de l’église et de sont clocher.
Puis nous avons défini le rôle des prêtres des montagnes au XVIème et XVIIème siècles. Etroitement intégré à sa famille, à sa communauté paroissiale et à sa communauté sacerdotale, ainsi qu’à son environnement économique, géographique, et symbolique, le prêtre remplit une fonction qui transcende le simple ministère pastoral. Le « capellan de casa » (« prêtre de la maison ») rend de multiples services à sa famille et à ses paroissiens qui, en contrepartie, le nourrissent et subviennent à son entretien.

Enfin nous avons démontré que cette logique organisationnelle est contraire aux principes réformateurs, tant de l’Eglise officielle que de l’Etat, qui entendent séparer le prêtre des laïcs, et lui interdire toute activité profane. Nous avons évoqué les étapes de cette réformation et ses conséquences. C’est l’avènement d’un « nouveau prêtre », mieux formé souvent plus savant et extérieur. Mais cette mise à distance est également traumatisante et génératrice de profondes mutations dans le comportement religieux des populations montagnardes. Le prêtre des montagnes n’est plus alors le garant de l’ordre interne des communautés d’habitants, mais il devient un concurrent, voire un obstacle à leur développement. Peut-on alors penser que la Réforme catholique portait en germe le phénomène qui s’amorce en France dès la seconde moitié du XVIIIème siècle, et que les historiens du religieux qualifient communément de « déchristanisation » ? Le tarissement du recrutement sacerdotal dans les Pyrénées Centrales n’accompagne-t-il pas cette profonde mutation du statut du prêtre ?


Par Serge Brunet,
en avril 1997,
au GARAE.