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Ferdinand Bernède (1869-1963) et la carte postale folklorique landaise

Le photographe professionnel

Né à Arjuzanx le 20 novembre 1869 et mort à Dax le 9 novembre 1963, Ferdinand Bernède fut photographe professionnel.
Après des études à Mont-de-Marsan, il monte à Paris où il apprend la technique de la retouche photographique. Il vivra à Paris de 1892 à 1895, travaillant dans un studio de photographie.
De retour dans ses Landes natales, Ferdinand Bernède lance une série de cartes postales folkloriques sur la vie quotidienne dans les Landes. Cette entreprise originale rencontre un véritable succès, comme il le raconte lui-même dans la préface à ses Poèmes des Landes et de la Chalosse (Mont-de-Marsan, D. Chabas, 1930) :

« Ce fut un petit événement que l’apparition de mes cartes postales illustrées en 1895.
Les Landais, nombreux encore, je l’espère, qui ont vécu ce vieux temps, se rappellent la faveur avec laquelle elles furent goûtées, dès leur apparition, par mes compatriotes, d’abord, et par les étrangers ensuite.
C’est pour moi une grande satisfaction d’avoir été un des premiers à faire connaître nos Landes, sous leur vrai jour, et d’avoir contribué à faire taire ces tristes légendes, que des poètes et des écrivains avaient écrites sur notre chère petite patrie.
J’étais jeune alors ; je ne marchandais pas mes peines en parcourant les immenses étendues pour composer de tous petits tableaux, ou surprendre de si jolies scènes pastorales.
Plus de trente ans ont passé depuis ; si mes cheveux ont blanchi, si mes jambes fléchissent, si mon corps se voûte, mon amour pour les Landes est resté aussi fort qu’autrefois.
Mon cœur est le même ; c’est avec la même tendresse que j’ai voulu, avant de disparaître, chanter ses résiniers, ses bergers, ses belles forêts, ses rivières et ses ruisseaux !...
 ».

Un photographe des Landes entre Félix Arnaudin et Emile Vignes

Dans la lignée photographique des Landes, Ferdinand Bernède se situe entre Félix Arnaudin (1844-1921) et Emile Vignes (1896-1983), d’un point de vue biographique comme photographique.

Félix Arnaudin, l’imagier (“lou limajayre”) de la Grande Lande, ainsi qu’on le surnommait en son temps, fixe dès 1875 le crépuscule d’une lande d’avant la forêt (la loi impériale d’ensemencement du territoire en pins maritimes date de 1857), rendant ainsi un hommage imagé « Au désert magnifique, enchantement des aïeux, déroulant sous le désert du ciel sa nudité des premiers âges, à l’étendue plane, sans limites, où l’œil avait le perpétuel éblouissement du vide, où l’âme, élargie, enivrée, tantôt débordait de joies neuves et enfantines, tantôt s’abîmait dans d’ineffables et si chères tristesses, a succédé la forêt, -la forêt industrielle ! – avec toutes ses laideurs ». (Félix Arnaudin, Préface aux Chants populaires de la Grande Lande et des régions voisines, recueillis par F. Arnaudin, Paris, Champion, 1912).

Immortalisant sur plaques de verre « la lande infinie abandonnée sans partage à la vie pastorale », Arnaudin donne à voir une image nostalgique de « l’ancienne Lande », celle qui a bercé son enfance.

A l’autre extrémité de l’axe chronologique, Emile Vignes, « le Paysagiste d’Art », témoigne de l’irruption de la modernité et du tourisme. Partagé entre le devoir de mémoire envers son pays natal et l’attrait du progrès, il fixe la forêt en majesté (le pin maritime arrive à maturité entre 40 et 50 ans). « J’aime beaucoup les Landes, j’aime beaucoup les pins », déclarait-il.

Au milieu, Ferdinand Bernède fabrique une image folklorisée de la vie dans les Landes. Emile Vignes, qui le connaissait bien et était son ami, disait d’ailleurs de lui : « Il faisait des scènes folkloriques (tuaille du cochon, mariage…)  ».

Si la forêt est absente des images de Félix Arnaudin et omniprésente dans les clichés d’Emile Vignes, dans les « petits tableaux » ou les « jolies scènes pastorales » de Bernède, la forêt, au mitan de sa croissance et de son expansion, sert de décor, de fond, tel le drap blanc tendu par les premiers photographes.
Vingt ans après Arnaudin et vingt-cinq ans avant Vignes, Ferdinand Bernède réinvente une tradition landaise par l’image. Ses clichés, composés, posés et retouchés, typiques et pittoresques, feront l’objet dune importante collection de cartes postales à succès.

Le poète, “troubadour de la Lande”

Ferdinand Bernède se met à l’écriture sur le tard et publie son premier ouvrage à plus de soixante ans. Il s’agit d’un recueil de poésies intitulé Poèmes des Landes et de la Chalosse.
Si pour cette première publication l’auteur utilise la langue française, il écrira également en gascon.
L’écrivain, pour tardif qu’il est, ne se voit pas moins récompensé lors des concours littéraires organisés par l’Ecole Gaston Phébus (félibrige béarnais : l’Escole Gastou Fébus), ou le Jasmin d’Argent (Agen).


Publications de F. Bernède

1930. Poèmes des Landes et de la Chalosse. Saint-Sever-sur-Adour : J. Glize ; Mont-de-Marsan, D. Chabas, 125p.

1933. Histouères et Rimalhotes. Dax, chez l’auteur.

1935. “Note sur l’église et le clergé d’Arjuzanx (1789-1796)”. Bulletin de la Société de Borda, 4e trim., p. 139

1948. “Arjuzanx, ses tumulus et son église”. Bulletin de la Société de Borda, 1er-2e trim., pp. 25-29

1959. Mauves et ronces, poésies de Ferdinand Bernède. Mont-de-Marsan, J. Lacoste, 47p.

Publications posthumes

1955. Ferdinand Bernède. Ses découvertes : cours de l’eau thermale de Dax à travers le département des Landes, sa préhistoire, son histoire à l’époque gallo-romaine et celle du XVIIe siècle jusqu’à nos jours, les bains de Préchacq, cours de l’eau thermale et la Bagnère de Tercis… Mont-de-Marsan, J. Lacoste, 35p.

1980. Poésies choisies en gascon et en français / Ferdinand Bernède. Dax, Société de Borda, 180p.

1993. “Voyage à Contis à la fin du XIXe siècle, vu par Ferdinand Bernède, photographe et folkloriste”. Bulletin de l’association Mémoire en Marensin, n° 4, 1993, pp. 72-74

2001. “Ferdinand Bernède : poésies” / Jean-Charles Coumailleau. Bulletin de la Société de Borda, 1er trim., 2001, pp. 114-115 et 2e trim. 2001, pp. 227-228


Pour en savoir plus…


- Coumailleau, Jean-Charles. “Ferdinand Bernède (1869-1963), photographe et troubadour de la Lande”, Bulletin de la Société de Borda, 4e trim. 1997, pp. 405-426

- Coumailleau, Jean-Charles. “Les débuts de la carte postale folklorique dans les Landes : Ferdinand Bernède”. Bulletin du Centre généalogique des Landes, n° 54, juin 2000

- Guichenuy, Jacques. “Poètes gascons des Landes : Bernède Ferdinand (1869-1963)”. Bulletin de la Société de Borda, 1er trim., 1982, pp. 103-117

- Lafargue, Charles. “Pour le centenaire de la naissance du troubadour gascon, Ferdinand Bernède (1869-1963)”, Bulletin de la Société de Borda, 4e trim., 1970, pp. 451-458

- Thouvignon, Fernand. “Ferdinand Bernède (1869-1963), le grand folkloriste landais, président d’honneur de la Société de Borda”. Bulletin de la Société de Borda, 4e trim., 1963, pp. 361-369


LE FONDS BERNEDE


- Société de Borda (Dax) - Cote 03J

Emile Vignes (1896-1983), photographe des Landes et auteur de cartes postales lui aussi, déclarait dans un entretien en date de 1977 :
« Vers 1925, j’ai eu l’idée de faire une carte postale […] Je connaissais le travail de Bernède qui était un de mes amis. Il avait appris la retouche à Paris et habitait Arjuzanx. Il faisait des scènes folkloriques (tuaille du cochon, mariage…) et quelques portraits chez lui. Il m’a d’ailleurs donné ses plus belles plaques que j’ai déposées à la Société de Borda à Dax ».
(Entretien entre Emile Vignes, Pierre Toulgouat et Jean Tucoo-Chala, jeudi 29 septembre 1977 à Castets. Sonothèque de l’Ecomusée de la Grande Lande).

Outre des plaques de verre, des photographies et des cartes postales, la Société de Borda conserve des manuscrits, dessins et aquarelles de Ferdinand Bernède.


- Ecomusée de la Grande Lande de Marquèze (Sabres)

L’Ecomusée de la Grande Lande possède une collection de 125 cartes postales de Ferdinand Bernède, en noir et blanc ou colorisées (n° d’inventaire 1992.1.1 à 125).
Ces cartes postales des Landes, marquées en bas à gauche : “F. Bernède, phot., Arjuzanx (Landes)”, illustrent des thèmes tels que le gemmage des pins, les bergers, les travaux des champs, les anciens attelages, la chasse, la pêche, la “tuaille” du porc (“Leu tüaille dou porc”), les intérieurs landais, la noce, les fêtes, les danses...

Aperçu de sa production de cartes postales (par titres)

Série « Travaux des champs » :
. “La Fumure des terres”
. “Le Sarclage du Seigle”
. “Battage du seigle au fléau”
. “Récolte du Millet”

Gemmage :
. « Fabrication des Pots à résine »
. « Cramponnage des Pins – mise en place des pots »
. « Cueillette de la Résine »
. « Résinières (Cueillette de la Résine) »
. « Dernière Récolte de la Résine – “Le Barrascot” »

Série « Anciens attelages » :
. “Attelage des mules – Lou Bros”
. “Meunier Landais et son attelage”

Série « Leu tüouaille dou porc – (Heste de famille) »
. “La mort”
. “Lou darrè baïgn”

Série « Une Noce dans les Landes » :
. “Lou casse can”
. “Le Retour de l’Eglise”
. “La Mariée”
. “Soir de Noce dans les Landes. La Roste”

Série « “Leu moulente de Pasquous” – Fête des Bergers Landais dans la Lande » :
. “Préparation de l’omelette”
. “Le Repas”
. “Après le repas. Le Rondeau”

Les bergers :
. « Echassier Landais dans les Pignadars »
. « Echassier Landais gardant ses Moutons »
. « Echassier et Berger Landais »
. « Echassier et Bergère »
. « Berger Landais »
. « Berger Landais filant »
. « Berger Landais filant à l’aide du rouet »
. « Le Départ pour le Pâturage »
. « La Tonte des Moutons »

La chasse à la palombe :
. « Chasseurs de Palombes – Les Appeaux »
. « Chasseurs de Palombes à l’affût »

« Au Lavoir – Jeunes Landaises »
« A la Fontaine – Jeunes Landaises »

« Intérieur Landais (lou Pâchedeüy) »

« Pêche de l’Alose dans l’Adour »

« Procession des Rameaux dans les Landes »

« Joueurs de Quilles “Le Rampeau” »

« La Danse dans les Landes – Le Rondeau »

« Facteur dans la Grande Lande »



- MuCEM (Marseille) ex-MNATP (Paris) : la cornemuse de Ferdinand Bernède

Cette cornemuse landaise est entrée au Musée National des Arts et Traditions Populaires (MNATP) en 1953. Elle a été présentée à l’exposition des ATP “Bergers de France” en 1962.
Le catalogue de l’exposition “Bergers de France” présente cet objet de la manière suivante :

« Cornemuse, bois, étain, cuir, filasse, roseau […]. Décor incisé polychrome et incrustation d’étain, marquée “BELLEGARDE A SABRES”. 66 x 44,5. Landes, Sabres. XIXe siècle. D1953.15.66. Dépôt Musée forestier d’Hossegor, Landes. […]
NB : […] Type d’instrument joué par les bergers de la Grande Lande vers 1900. Cette cornemuse a été trouvée au début du XXe siècle par Ferdinand Bernède, poëte local à Dax. Il l’a remontée avec un sac neuf, sur lequel il a consigné et signé à l’encre noire, un de ses poèmes “Le Berger Landais” ».
(Extrait de la notice n° 928 de Claudie Marcel-Dubois, p. 282 du catalogue de l’exposition “Bergers de France” - numéro spécial de la revue Arts et traditions populaires, Xe année, janvier-décembre 1962, 327p.).




Articles en relation

. Emile Vignes
. Félix Arnaudin
. Ecomusée de la Grande Lande
. MuCEM (ex-Musée national des Arts et Traditions Populaires)
. Musée forestier d’Hossegor
. Société de Borda





Auteur
Florence Galli-Dupis
Ingénieur d’études CNRS
LAHIC/IIAC (UMR 8177)
2011



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